VISITE CHEZ MAJORETTE: LE SIGLE MAGIQUE
Nous sommes en janvier 1988...
Sur l'écran, les volumes se forment, se développent, se complètent. En quelques instants, la carrosserie d'une berline allemande dévoile ses élégantes proportions, dans de multiples positions. Cette future « Majorette » n'est qu'à l'état de projet, et pourtant sa photographie existe déjà. Image irréelle et pourtant bien présente, magie de la C.F.A.O...
LE SIGLE MAGIQUE
Derrière l'abréviation C.F.A.O. se cachent la « Conception et la Fabrication Assistées par Ordinateur ». En d'autres termes, c'est l'entrée en force de l'électronique dans la production des voitures miniatures. Certes, depuis plusieurs années, les machines-outils à commande numérique étaient utilisées pour usiner les moules mais le système récemment installé chez Majorette apporte une véritable révolution, comparable en tous points à celle qui s'est produite dans l'industrie automobile. Pour mieux comprendre tout l'apport de cette nouvelle technologie, il faut commencer par rappeler la méthode classique d'élaboration d'une miniature, d'ailleurs encore utilisée par la firme lyonnaise. A partir des plans du constructeur, d'une multitude de photographies, de cotes relevées sur une voiture réelle, les dessinateurs dressent les plans de chacune des pièces du futur modèle réduit. De là, un maquettiste va fabriquer un « maître modèle » et une » maquette de conception ». Si tous les deux sont directement taillés, dans des blocs de laiton, leur échelle et leur rôle diffèrent totalement : le « Maître- modèle » est réduit à une échelle deux fois supérieure à celle du modèle définitif (par exemple 1/30e pour une miniature au 1/60e) et il reste massif, sans ouverture (les pare-brise, lunette, vitres latérales sont par exemple, simplement gravées en creux). Il va servir à usiner, à l'aide d'un pantographe, l'électrode en cuivre qui sera, elle, à l'échelle définitive. La « maquette de conception », pour sa part, est elle aussi à l'échelle définitive, mais elle comporte tous les détails du modèle final, y compris les parties ouvrantes, l'intérieur, etc. Elle sert à définir exactement l'encombrement et la forme exacte de chacun des éléments de la miniature. Avant de parvenir à l'élaboration des moules, 450 heures se sont écoulées, avec cette méthode, depuis que la décision de produire le modèle a été prise... Il reste encore une longue tâche à accomplir par l'atelier d'usinage. L'électrode en cuivre, par « électro-érosion », va servir à graver en creux les empreintes du moule en acier de la carrosserie. Bien que l'on puisse en théorie, usiner en même temps que la carrosserie les outillages des pièces mobiles (capot, portes, etc..) et des autres éléments comme le châssis ou l'intérieur, la prudence et le souci d'obtenir le meilleur ajustage possible conduisent à n'entreprendre ces travaux que lorsque l'on est en possession des premières épreuves de la carrosserie.
La conception et la fabrication assistées par ordinateur permettent de supprimer un bon nombre de ces étapes : une fois dessiné le plan de la future miniature (ou directement à partir du plan de la vraie voiture), les données sont relevées et introduites dans la mémoire de l'ordinateur central au moyen d'un crayon électronique. Sur l'écran, on peut alors « visualiser » tous les éléments de la miniature projetée. Ce travail est exécuté par un maquettiste, qui a reçu une formation spécialisée. (un deuxième poste de travail est tenu par un dessinateur qui affine la conception des pièces (aux normes « Majorette ») et conçoit les outillages nécessaires. Enfin, intervient un outilleur, lui aussi formé à l'électronique.
Là encore, l'écran permet de « visualiser » et choisir les solutions. L'ordinateur permet, bien sûr, de mener, en même temps, la conception de toutes les pièces puisque la fiabilité est totale et précision absolue.
Ayant enregistré tout le concept d'outillage, « connaissant » les cotes de toutes les pièces, l'ordinateur va alors directement commander une fraiseuse à commande numérique pour usiner les électrodes, à l'échelle que l'opérateur aura choisie. Une machine à électroérosion baptisée « Roboform », entièrement automatique, prendra alors en charge la gravure des empreintes des moules... Le résultat est proprement étonnant, puisque le temps nécessaire à la mise en fabrication d'une miniature se trouve divisé par deux...
A côté de ces miracles de l'électronique, le reste peut apparaître comme bien classique. Et pourtant, celui qui a la chance de visiter les usines « Majorette » n'est pas au bout de ses surprises, car, même classique, une technique utilisée par ce fabricant peut susciter l'étonnement...
170 PRESSES A INJECTER
Toute la fabrication des pièces, en zamak ou en plastique, est assurée par la technique classique de l'injection sous pression. Là, pas de surprise... processus connu, machines standard... l'étonnement vient simplement du nombre de presses en service : elles sont 170 au total, entièrement automatiques. Les puissances de ces matériels vont de 5 à 400 tonnes et certaines presses sont du type « à double effet », c'est-à-dire que l'injection de métal se fait en deux temps. Une usine - appelée U1 - sur les cinq dont dispose la firme est entièrement consacrée à l'injection des pièces en zamak, et en plastique. Mais le vrai problème qui se pose à un fabricant de modèles réduits automobiles réside peut-être plus dans la finition du modèle que dans le moulage des pièces elles-mêmes. Dans ce domaine, la solution apportée par «Majorette» mérite un examen attentif.
COMMENT PEINDRE ET DECORER 400 000 MINIATURES PAR JOUR...
Oui, vous avez bien lu... 400 000 miniatures par jour ! Et malgré l'importance de ce chiffre, il faut savoir que la capacité de production des installations de Caluire est plus vaste encore. La chaîne de peinture est totalement automatique. Sa longueur totale est de 400 mètres et elle est composée de trois cabines distinctes par lesquelles passent toutes les carrosseries en zamak.
Arrivées du sous-sol par un tapis roulant, celles-ci sont accrochées sur des banlancelles qu'un convoyeur entraîne vers un poste de dégraissage à la vapeur. Dans la première cabine, qui est comme les deux suivantes, pressurisée et climatisée, avec une température de 25° et un taux d'hygrométrie de 60 %, elles reçoivent une première couche de peinture blanche : après un séchage à 100°. la peinture définitive est appliquée et, enfin, dans la troisième cabine, les carrosseries sont recouvertes d'un vernis, indispensable sur les couleurs métallisées. Le vernis est séché à 130° en 12 minutes.
L'application de la sous-couche blanche, du pigment et du vernis est assurée par trois robots qui effectuent un mouvement de va-et-vient vertical et les particules sont projetées par un disque tournant à 30 000 tours/mn. Les micro-particules de peinture sont chargées électriquement, sous une tension de 80 000 volts, alors que les balancelles sont à la masse. Ce système assure une parfaite application de la peinture, tandis que l'hygrométrie élevée empêche les particules de sécher avant qu'elles n'atteignent les pièces en zamak. Un changement de couleur peut se faire en une vingtaine de secondes sans arrêter la chaîne. Enfin, un système de caméras-vidéo permet de surveiller le fonctionnement de l'ensemble. Presque toutes les miniatures « Majorette » sont peintes sur cette chaîne, y compris les nouveaux modèles au 1/24e, pour lesquels il a fallu mettre au point des balancelles spéciales. Il existe aussi une autre chaîne de peinture, utilisant la technique de la peinture « en poudre ». .
Certaines miniatures, comme celles qui reproduisent des voitures de compétition, de police, de secours doivent en plus recevoir une décoration spécifique. Celle-ci est assurée par l'emploi de la tampographie : de tampons de silicone « pompent » l'encre préalablement déposée sur une plaque où figure, gravé en creux, le motif décoratif et, après un mouvement de translation, viennent imprimer la carrosserie. 17 groupes de machines capables de poser 4 couleurs par face sont utilisés par « Majorette ». Le séchage a lieu en étuve à 130° et il faut 3" à 3,5" pour décorer entièrement un modèle. Notons que toutes les décorations sont entièrement créées par la Firme qui possède un studio de dessin intégré, lequel intervient aussi dans la conception des emballages.
Pendant que toutes ces opérations sont effectuées sur les carrosseries, les châssis font l'objet d'un revêtement de zinc à travers plusieurs trempages dans des bains d'acide, de solution de rinçage, de soude et de zinc.
Il ne reste - si l'on peut dire - qu'à fixer les roues sur les axes (avec des machines de conception » Majorette « ), organiser le montage à domicile des miniatures, les emballer sur l'une des 16 chaînes en fonctionnement, à les stocker et les livrer...
DES PRODUITS NOUVEAUX
Dotée d'un dispositif industriel de cette dimension « Majorette » a toujours accordé une place essentielle à l'innovation, mais aujourd'hui, peut être encore plus qu'auparavant, c'est ce mot qui est devenu le point fort de la stratégie de développement de la firme. La meilleure preuve en est donnée par le doublement des effectifs du bureau d'études chargé de concevoir les produits nouveaux... Ceux-ci sont destinés à tous les types de clientèle et après le succès « explosif » des deux voitures de la série « Turboom » du « Sprinter » qui donne une accélération foudroyante aux miniatures, on verra apparaître en 1988, une gamme de modèles destinés au filles (eh oui... !), une cein-
ture porte-miniatures (pour accompagner le « sprinter »), une malette de rangement, et des « Extranimals », créatures bizarres et transformables, faites d'autos et d'animaux...
LE DEVELOPPEMENT MONDIAL
Le marché de « Majorette ». qui a réalisé en 1986, un chiffre d'affaires de 400 millions de Francs, est aujourd'hui mondial. A travers le monde, les produits conçus et fabriqués à Caluire sont commercialisés dans soixante pays, mais l'évolution de l'environnement économique a conduit l'entreprise lyonnaise à aller encore plus loin dans son processus de mondialisation : dès le début de 1988, une toute nouvelle usine va fabriquer des modèles « Majorette » de la série 200 »..., cette usine, utilisant tous les processus de fabrication de « Majorette », est installée à Bangkok !
Emile Véron. PDG de « Majorette ». a décidé à l'évidence de rendre sa firme encore plus agressive, pour affirmer davantage son rôle de leader mondial et l'objectif est clairement fixé : atteindre 90 % du chiffre d'affaires à l'exportation. « La passion de l'Action » : rarement un slogan aura traduit avec autant de véracité l'esprit de toute une entreprise !.
Source: Magazine mensuel Automobile Miniature n°44 de janvier 1988
Participation: J.M ROULET, M. DUMONT, D. GORDON, V. ESPINASSE,
A. LESEYNE, J.P. COLLAS.
car-collector 12/08/2016 23:19
Roméo 12/08/2016 23:15